Contexte
La crise financière de 1929 provoque une baisse drastique de la demande au niveau mondial et déclenche une série de mesures protectionnistes pour protéger les industries nationales. La Belgique, pays exportateur, est lourdement affectée par ce contexte international. Différents secteurs industriels en Belgique deviennent déficitaires, et optent pour une réduction des salaires ainsi que pour la mise au chômage partiel. C’est le cas du secteur minier qui est frappé par des baisses de salaires répétées depuis 1930 et une augmentation rapide du chômage partiel dans les différents bassins houillers belges.
La misère plane de nouveau sur le pays, particulièrement dans la région du Borinage déjà frappée par des restructurations et des fermetures de puits. Un nombre croissant de familles ouvrières peine à nourrir leurs enfants et est forcé de boire de l’eau stagnante des citernes ou des caves inondées car les redevances ne sont plus payées. Les conditions de travail se délitent à mesure que les charbonnages négligent les mesures de sécurité pour économiser sur les frais d’exploitation. En 1932, on recense 204 ouvriers morts dans le cadre de leur travail.
Évènements
Des grèves éclatent à la fin du mois de juin dans le Borinage et s’amplifient à la suite d’une décision gouvernementale de diminuer les allocations de chômage. Le 5 juillet, la centrale des mineurs du Borinage décrète la grève générale. Le lendemain, les mineurs du Centre suivent le pas. Les femmes participent activement aux grèves et aux manifestations. Elles bloquent l’entrée des mines pour empêcher les « jaunes » d’aller travailler et se couchent sur des rails pour empêcher certains tramways de circuler.
D’autres secteurs industriels se joignent ensuite au mouvement et la grève se propage dans toute la Wallonie. On compte plus de 150 000 ouvriers en grève. La partie social-démocrate et réformiste de la gauche est fustigée par le mouvement et plusieurs maisons du peuple socialistes sont l’objet d’attaques et d’occupations. Un sentiment révolutionnaire s’empare de la Wallonie en ce début d’été 1932. Le drapeau rouge titre : « Pour la victoire des Mineurs, pour la victoire de la classe ouvrière, Vive la grève générale dans toutes les industries ! »
La violence répressive de l’État ne tarde pas à arriver pour mater la violence révolutionnaire, elle-même conséquence de la violence institutionnelle qui ne cessait de s’enraciner dans le quotidien ouvrier. Le gouvernement des « affameurs » envoie l’armée dans le Hainaut et arrête près de 300 personnes entre le 11 et le 13 juillet. Julien Lahaut, membre éminent du Parti communiste de Belgique, est arrêté. Deux ouvriers furent tués par les balles de la gendarmerie.
Au secours, organe mensuel de la section belge du secours rouge international : « Au cours d’une manifestation parcourant les rues de Roux, les grévistes se heurtèrent aux forces de gendarmerie ; ils réclamaient du pain, la bourgeoisie leur envoya du plomb. Plusieurs travailleurs sont blessés, l’un d’eux succombe. C’est un jeu homme de 20 ans, Louis Tayenne, membre du syndicat socialiste de Marchienne ».
Impact
À partir de la mi-juillet, le Parti Ouvrier Belge, parti social-démocrate, appelle à reprendre le travail et peu à peu les mineurs se retrouvent isolés dans la lutte. Les grèves dureront encore 6 semaines jusqu’à mi-septembre à l’annonce d’une augmentation de 1% des salaires dans le secteur minier et réembauchage complet au Borinage. Même si les concessions patronales sont bien en deçà des revendications des mineurs, les mineurs se résignent faute de support politique plus large. Il est important de noter que les réembauchages promis ne furent jamais mis en place.
Les grèves de 1932 ne sont pas sans conséquences politiques. Elles radicalisent politiquement le mouvement ouvrier, notamment avec un renforcement du Parti communiste. De plus, elles aident à préparer le terrain de celles de 1936 qui furent beaucoup plus décisives en termes de victoires sociales. Enfin, les confrontations de l’été 1932 ont également mis en lumière la misère dans laquelle vivait alors le Borinage. Ce sera même le sujet du documentaire clé “Misère au Borinage” des cinéastes Henri Storck et Joris Ivens.