Contexte
Au sortir de la 2ème guerre, la Belgique a besoin de main d’œuvre pour travailler dans ses mines. Elle passe des accords avec divers pays (Italie, Maroc,Turquie…), recrutant des milliers de travailleur.euse.s utiles à son développement, dans les secteurs miniers, de la métallurgie ou encore de la construction.
L’immigration est alors fortement encouragée à travers des mesures permettant de rapides régularisations et les regroupements familiaux. Ces mesures contentent à la fois l’Etat et le patronat, car en plus de fournir la main d’œuvre nécessaire aux différents secteurs, elles permettent de la fixer et de limiter le vieillissement de la population.
Cependant, dès la fin des années ‘60, le ministre de l’Emploi et du travail, à l’époque en charge de la migration, prend des mesures restrictives en la matière : refus de délivrance d’un permis de travail et de régularisation des étranger.e.s arrivé.e.s comme touristes, interdiction d’accéder à un autre emploi que celui pour lequel une autorisation a été accordée, et retour dans le pays d’origine des étranger.e.s au chômage. Malgré la suppression de ces mesures grâce, notamment, à la pression mise par les syndicats FGTB et CSC, le sort des travailleur.euse.s immigré.e.s se détériore et nombreux.ses d’entre eux.elles deviennent clandestin.e.s.
Évènements
En février 1973, un groupe de travailleurs sans-papiers organise une manifestation devant l’Eglise St.Jean-Baptiste à Molenbeek. Ces manifestant.e.s, se regroupant sous le nom de “groupement de travailleurs marocains”, protestent contre les arrestations d’illégaux.ales, et réclament l’octroi d’un permis de travail et de séjour pour ces dernier.e.s. La manifestation est fortement réprimée par la police. En mars, 9 de ces militants entament une grève de la faim, cette fois-ci dans l’église St. Jean-Nicolas à Schaerbeek.
« … Nous qui connaissons tous les jours les rafles policières dans nos quartiers, les expulsions, le travail clandestin sans sécurité, sans aucun droit, nous disons que cela doit cesser (…) Ici en Belgique, des milliers de nos frères se trouvent dans des conditions difficiles, sans papiers, sans aucun droit en tant que travailleurs immigrés (…) Nous ne pouvons plus nous taire sur une pareille situation, nous ne pouvons plus accepter l’esclavage. C’est le devoir de tout frère immigré de rejoindre notre combat, c’est aussi le devoir de la population belge de nous soutenir. »
Le soutien au mouvement s’étend petit à petit à plus de 70 associations, quelques Belges se lancent également dans une grève de la faim, et une pétition recueille plus de mille signatures en quelques jours. Mais les grévistes sont interrompus par la police et expulsés vers le Maroc et la Tunisie dans les jours qui suivent. Suite à ces expulsions, plusieurs manifestations rassemblant des milliers de personnes ont lieu, tandis que 3 belges entament une grève de la faim à l’église du Béguinage. Ce dénouement poussera le gouvernement à proposer des solutions concrètes. En août, celui-ci décide de mener une campagne de régularisation. Mais la procédure administrative, les délais et critères imposés rendent la constitution des dossiers ardue.
Impact
L’opération Bidaka, qui signifie en turc « Une minute s’il vous plaît », se met alors en place. La FGTB, la CSC, ainsi que les associations de défense des immigré.e.s soutiennent et accompagnent intensivement les personnes dans la présentation de leurs dossiers de régularisation. Environ 7500 seront ainsi régularisées en 1976. Mais parallèlement, le gouvernement met fin à l’immigration du travail dont le pays a bénéficié pendant plus de 30 ans, et la doctrine de l’immigration 0 s’impose.