Contexte
En 1978, le ministre socialiste des travaux publics, Guy Mathot, décide de faire construire un barrage sur la rivière l’Eau noire. Situé aux portes de la ville de Couvin (Province de Namur), ce projet de digue de 70 mètres deviendrait ainsi le plus grand ouvrage de ce type en Belgique. A Couvin, les habitant.e.s ne sont pas d’accord. Premièrement, on s’oppose à l’inondation de la magnifique vallée de l’Eau noire au riche patrimoine écologique. De l’autre, on se refuse à vivre le restant de ses jours sous la menace d’une catastrophe, le barrage devant être édifié à un endroit où les roches sont particulièrement friables. Néanmoins, les travaux publics décident de passer en force…
Évènements
En réaction, les Couvinois et Couvinoises décident d’organiser la résistance contre ce projet jugé destructeur. Un important travail d’information local est mis en place et c’est bientôt toute la ville qui se lève contre le barrage. Des assemblées sont mises en places tous les vendredis soirs, rassemblant des Couvinois.es de tous les horizons. Devant le mépris de l’état, des actions directes sont organisées. Billets de banque cachetés du slogan « Non au barrage », occupation surprise du cabinet du ministre à Bruxelles, cortège de véhicules long de plusieurs kilomètres sillonnant les villages environnants, interpellation du roi, randonnées de sensibilisation, … le mouvement populaire, d’inspiration joyeusement anarchiste, déroute son adversaire par son imagination.
« Notre action la plus folle fut certainement le purin déversé sur le bureau de l’ingénieur des travaux en réponse à sa déclaration ‘Quand j’entends les Couvinois, je tire la chasse’, se rappelle un des Couvinois (Alter-Echos, 2015).
Les Couvinois.e.s écrivent même l’histoire belge en créant la première radio libre structurée du pays, Radio Eau Noire, qui émettait depuis les bois, pas plus de 10 minutes par jour pour éviter d’être repéré.
La lutte est véritablement plurielle englobant toute la petite ville. Celle-ci prend un tournant encore plus radical quand des actions de sabotage du chantier sont effectuées, avec les machines finissants à l’eau et des bâtiments de chantier détruits et mis à feu. Le 26 août 1978, 300 personnes se rassemblent face à un escadron de gendarmes, et détruisent une seconde fois les baraquements sous les yeux des journalistes et des forces de l’ordre impuissantes.
Impact
Suite à cette dernière action spectaculaire, et après une étude universitaire indépendante qui confirmait l’intuition des Couvinois.e.s, le projet fut enterré. Ce combat, quoique relativement méconnu, reste marquant à bien des égards. Première, il s’agit d’une des premières luttes en Belgique, qui plus est victorieuse, contre un projet d’artificialisation Celle-ci fera des petits, entre des collectifs de défense de zone naturelles (liaison CHB, etc), juqu’aux Zad d’Haren, d’Arlon ou de la Chartreuse. De plus, de par son inventivité, sa représentativité et sa détermination, la bataille de l’Eau noire reste un évènement significatif, relativement iconoclaste dans l’histoire des mouvements sociaux, et donc une boîte à outils pertinente pour toutes les luttes en cours et à venir.
Sources
Documentaire : la Bataille de l’eau Noire (2015) de Benjamin Hennot
Alter Echos (2015). La bataille de l’Eau Noire, le Larzac belge. N°409
La Libre (2015). « La bataille de l’Eau noire » : Astérix et le barrage.