Contexte 🤔
Dans les années 60, l’agriculture connaît un grand bouleversement. Mécanisation du secteur, intrants chimiques et autres avancées techniques augmentent drastiquement la productivité… et endettent les agriculteur·rices. D’énormes surplus de production apparaissent. Les prix, seuls garants de revenus agricoles stables, ne suivent plus.
Entre-temps, le contexte général est devenu européen avec la création de la Politique Agricole Commune (PAC) en 1962.
Pour répondre à ces enjeux, le Commissaire en charge, Sicco Mansholt, annonce un grand plan visant à transformer radicalement l’agriculture européenne.
Ce projet, basé sur de grandes exploitations efficaces, vise à diviser par deux le nombre d’agriculteur·rices, encourager l’exode rural ou encore geler les terres agricoles les moins productives. Aucune mesure tangible concernant les prix n’est avancée.
Événements 💥
Pour les agriculteur·rices étranglé·es financièrement et fortement attaché·es à la notion d’exploitation familiale, ce plan est un véritable affront.
Début 1971, la résistance s’organise à l’échelle européenne. En Belgique des actions sont menées sur tout le territoire. Le 15 février 1971, des agriculteur·rices wallon·nes font irruption avec 3 vaches dans la salle de réunion du Palais des Congrès où se réunissent les ministres de l’agriculture européens.
Le 23 mars, jour de la réunion “décisionnelle” concernant le plan Mansholt, une grande manifestation européenne est organisée à Bruxelles. Un agriculteur wallon raconte:
“C’était très mal vu de ne pas y aller ! Il y avait un mot d’ordre « personne dans les champs », et lorsque les cars passaient à proximité d’un agriculteur qui travaillait, ils s’arrêtaient pour forcer manu militari le collègue à cesser son travail. On peut dire que pratiquement tout qui avait un lien avec le métier était partant.”
Sur place, un cortège de 100 000 personnes s’élance sur les boulevards. Des manifestant·es ont installé des potences où sont pendues des effigies du commissaire détesté, désigné comme un « assassin d’agriculteur·rices ». Très vite, on passe des lancés de patates aux jets de pavés. Les forces de l’ordre répriment à coups de charges et de gaz lacrymogènes. L’affrontement est extrêmement violent. Le mobilier urbain autour de la gare du Midi, des automobiles et plusieurs commerces sont détruits.
En fin de journée, on dénombre 140 blessés et un mort, Adelin Porignaux, agriculteur du namurois, tué par une grenade lacrymogène.
Impact 🎯
Les répercussions de cette manifestation sont internationales. Sur le plan politique, même si certains pans sont abandonnés, l’esprit de rationalisation du plan Mansholt est respecté. Les agriculteur·rices ne verront en rien s’améliorer leurs situations. Des fermes et des terres agricoles disparaissent, les dettes continuent à augmenter, la politique des prix leur reste néfaste.
Ironie du sort, quelques années plus tard, Sicco Mansholt regrettera son action et prônera à tout vent la décroissance.
Les mobilisations d’aujourd’hui, contre l’Europe libérale, s’inscrivent dans l’héritage de ce mouvement.
Sources 📖
https://www.fwa.be/fwa/23-mars-1971-une-journee-quon-noublie-pas
https://www.solidaire.org/articles/23-mars-1971-la-bataille-des-agriculteurs-pour-le-droit-l-existence
https://www.fwa.be/fwa/le-23-mars-1971-tournant-pour-leurope-agricole
https://www.sillonbelge.be/7321/article/2021-03-26/le-23-mars-1971-jour-de-colere
https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/politique-agricole-commune-pac-union-europeenne-agriculture